Arboriculture

Nous aimons consommer des légumes et des fruits cultivés localement et connaître leur producteurs. Nous aimons l'idée de connaître la qualité des fruits que nous mangeons. C’est tout cela qui nous a donné envie de réfléchir ensemble à l'avenir de l’arboriculture groslaysienne. On y tient, à ce paysage de Groslay.

En plus, nous avons le sentiment que ces dernières années il y a un mouvement de fond en France. De plus en plus d'initiatives cherchent à maintenir des productions locales gagent de proximité et de qualité. Elles cherchent à s’opposer aux productions qui nient les rythmes de la nature.

Ce débat a pour objectif de connaître la situation actuelle de l'arboriculture, car il nous faut comprendre ses contraintes. Mais ce débat sera aussi l'occasion de partager des initiatives qui fleurissent autour de nous et dans lesquelles nous pouvons certainement trouver une source d'inspiration.

En voici le résumé :

L’association Réseau Groslaysien a organisé le 26 mai 2018, dans le cadre de la Fête de la Nature, un second débat sur l’avenir de l’arboriculture groslaysienne.

A la suite du premier débat qui a eu lieu lors de la « Faites de la Pomme » en octobre 2017, ce second débat a pris comme point de départ le présent pour réfléchir à l’avenir de l’agriculture groslaysienne.
Nous sommes en effet convaincus que l’avenir de cette agriculture cristallise bien des défis pour notre commune et nous concerne tous : aménagement du territoire, rapports entre producteurs et consommateurs, qualité de l’alimentation, patrimoine communal.
Bonne lecture.

F. Jeffroy, président du Réseau Groslaysien, introduit le débat :

Bienvenue à ce second débat sur l’avenir de l’arboriculture et de l’agriculture groslaysienne organisé par le Réseau Groslaysien. Pour introduire ce débat, je veux redire combien nous sommes attachés aux paysages de Groslay, son coté champêtre à seulement 15 minutes de la gare du Nord. Nous aimons consommer des légumes et des fruits de qualité, cultivés localement. Nous aimons l'idée de connaître les hommes et les femmes qui produisent les pommes et les poires que nous dégustons. C’est tout cela qui nous a donné envie de réfléchir ensemble à l'avenir de l’arboriculture groslaysienne.

Ce second débat suit un premier débat organisé le 14 octobre 2017 chez Luc et Laurence Desouches dans le cadre d’une magnifique journée intitulée Faites de la pomme, avec pressage de jus de pommes, concours de desserts à la pomme (pour les gourmands, le livret des recettes est disponible sur le blog du Réseau Groslaysien….) et débat sur l’arboriculture. J’ai d’ailleurs le plaisir de vous annoncer que nous organiserons une seconde édition de cette Fête le dimanche 14 octobre, et que nous faisons appel aux volontaires.

Le débat d’octobre aurait pu être intitulé « l’arboriculture d’hier à aujourd’hui ». Le présent débat part d’aujourd’hui pour se tourner vers demain. Je m’explique : lors du premier débat dont vous trouverez le compte rendu détaillé sur le blog du Réseau Groslaysien, grâce au patient travail de retranscription de Laurence Vasseur, nous avons partagé un état des lieux de l’arboriculture groslaysienne :
Jean-Michel Roy nous a présenté une arboriculture groslaysienne fille de la vigne puisque le territoire de la commune était majoritairement recouvert de vignes jusqu’au milieu du XIXème siècle. Groslay était la commune d’Île de France où il y avait le pourcentage le plus important de vignes : presque 300 ha en vignes sur un total de 378 ha.
Il a ensuite souligné le rôle décisif joué dans les années 1850, 1860, par 3 arboriculteurs (Oscar Desouches, Rigault et Tétard-Bance) qui commencent à planter des vergers.
Dans les années 1880, tous les ingénieurs agronomes de France viennent à Groslay, à Deuil, Montmagny voir ces vergers modernes et disent à tout le monde « c'est le modèle qu'il faut diffuser partout en France ».
Luc Desouches nous a dit qu’il y avait encore 30 adhérents au syndicat agricole de Groslay en 1989, lorsqu’il en devient trésorier. Il en reste 5 aujourd’hui, combien demain ?
Aujourd’hui, plus aucun verger n’est cultivé sur Groslay, les vergers sont sur Saint-Brice et vers Attainville. Et pourtant il existe de nombreuses friches agricoles qui pourraient accueillir des cultures plutôt que des maisons.
Les arboriculteurs nous ont également expliqué qu’ils ont fait le choix de la qualité avec des volumes maitrisés, un passage à la vente directe au début des années 90 et un usage raisonné des traitements chimiques.

Je vous propose de nous intéresser maintenant à la réalité de l’arboriculture aujourd’hui, pour
en appréhender les contraintes et les ressources, afin d’envisager ce que nous pouvons
construire pour demain.

Participent à ce débat :
- Clotilde Rigault-Certain, qui travaille aux Vergers de Rougemont et représente les arboriculteurs
groslaysiens,
- Jean-Pierre Taramarcaz, maire adjoint charge de l’urbanisme à Groslay,
- Sophie Charconnet, membre de l’association Terre de liens,
Luc Dupont, architecte et ingénieur agronome de formation, opposant au projet Europacity et participant au projet alternatif Carma
Rémy Prat, coopérateur de l’AMAP et de l’épicerie coopérative Dionycoop à Saint-Denis.

Alexandra Gaillac, maire-adjointe déléguée à l’environnement à Saint-Prix, et Lois Pasquier
chargé de l’environnement sont excusés, de même que les représentants de l’Agence des Espaces Verts. Ils m’ont transmis un message de remerciement pour l’invitation, de soutien de notre démarche et d’engagement à participer à notre prochaine manifestation.

Le débat sera structuré en 3 temps :
1) Produire sur quelles terres et quoi ?
2) Comment soutenir les femmes et les hommes qui produisent les fruits et légumes ?
3) Comment développer des modes de distribution et de consommation qui soutiennent les agriculteurs ?

1) Produire sur quelles terres et quelles productions ?
Il n'y a plus de terres agricoles à Groslay ….

F. Jeffroy : Clotilde, peux-tu nous dire où sont situés les vergers des arboriculteurs Groslaysiens et s’il y a encore des cultures sur Groslay ?
C. Rigault-Certain : Il n'y a plus de terres agricoles à Groslay, les vergers des arboriculteurs Groslaysiens sont situés à Saint-Brice, vers la plaine du Luat (N1), à Ezanville, Moisselles, Attainville … Et même dans ces différents lieux, la part de l’arboriculture est en baisse. Les surfaces des vergers ont commencé à décroitre dans les années 90 suite à des accidents climatiques ayant fait des dégâts sur les récoltes et la mévente (vente pour les grosses centrales d’achats, en dessous du coût de production). Ceci a conduit à l'arrêt de plusieurs exploitations.
D’autres arboriculteurs ont réduit les surfaces cultivées pour développer la diversification de la production et la vente en directe. Les arboriculteurs qui n’avaient pas développé la vente directe (marchés, vente à la ferme) ont commencé à péricliter. Nous avons dû diversifier nos cultures pour nous maintenir. Nous ne produisions que des pommes et des poires et nous nous sommes tournés vers les fruits rouges, le maraichage, les produits transformés, pour agrémenter notre offre.

F. Jeffroy : pour quelles raisons, les vergers de Groslay ont-ils été abandonnés ?
C. Rigault-Certain : La concurrence entre terres agricoles et foncier constructible s'est accrue. Le voisinage entre habitations et exploitations agricoles ne fait pas toujours bon ménage (nuisances sonores, salissures des voies, traitements chimiques, etc.). De plus, les traitements et la mécanisation en s’intensifiant ont rendu nécessaire l’augmentation de la taille des parcelles. Il a fallu être plus pragmatique : regrouper plutôt que de produire sur de petites
parcelles, ce qui limite entre autre, les déplacements du tracteur. Sur la carte, la couleur qui domine le territoire …. correspond aux surfaces urbanisées ou à urbaniser…

F. Jeffroy : Jean-Pierre, ce qui me frappe lorsque je me promène dans Groslay, ce sont les friches agricoles : la butte du Nézant, vers Montmagny, vers Deuil, etc. Peux-tu nous présenter un état des lieux des terres et notamment de celles qui sont sans emploi ?
J.-P. Taramarcaz : j’ai apporté une carte présentant les différents types de zones qui existent à Groslay. Deux couleurs se détachent nettement : le vert, correspond aux surfaces classées « zone naturelle » sur lesquelles il est interdit de construire. Il y a une zone verte au nord, correspondant aux terres du coteau de Nézant. Il s’agit de terres de très mauvaise qualité, constituées en partie des remblais des anciennes carrières de gypse. Une autre zone verte est située au sud de la commune, autours du Champ à loup, en allant vers Montmagny. Il s’agit de terres de bonne qualité mais qui sont occupées par les gens du voyage et sur lesquelles existent plusieurs décharges sauvages. La couleur qui domine le territoire de la commune est le beige qui correspond aux surfaces urbanisées ou à urbaniser. Compte tenu du plan d’exposition au bruit (PEB), seule la construction de pavillons et de petits collectifs est possible. Mais compte tenu de l’existant, à Groslay, la seule construction d’immeuble collectif encore possible correspond au projet qui doit remplacer l'ancienne maison de retraite située près de la gare. Il y a également une règle qui interdit de diviser les parcelles en plus de 2 lots, ce qui peut poser des problèmes pour les quelques grandes parcelles encore disponibles. Par ailleurs, je rappelle qu’une large bande de terrain a été réservée il y a maintenant longtemps pour implanter le Boulevard Interurbain du Parisis (BIP). Cette bande constitue une large friche agricole. Le classement des différentes surfaces de la commune dans ces différents types de zone est faitdans le  Plan Local d’Urbanisme (PLU) que chaque commune doit établir et mettre à jour. Le PLU de Groslay est consultable sur le site de la mairie. Il est mis à jour régulièrement en fonction des besoins de la commune.

Il serait intéressant de concevoir une version pédagogique du PLU de Groslay….
Différentes interventions du public font état d’un manque de connaissance des règles
d’urbanisme qui apparaissent complexes.

S. Charconnet : l’association Terre de Liens, dont je fais partie, organise des formations pour aider les citoyens à comprendre le PLU de leur commune et leur donner les moyens de peser sur sa mise à jour de manière à maîtriser l’urbanisation et préserver des terres agricoles. Je pense qu’il serait intéressant de concevoir une version pédagogique du PLU de Groslay, lisible et compréhensible par tous.
J.-P. Taramarcaz : le PLU n’est modifiable qu’à la marge, 80% des terres ont déjà été utilisées. En plus, les terres sans emploi sont difficilement utilisables. Les terrains réservés pour le BIP dépendent de multiples propriétaires qui pour la plupart ne sont pas connus. Les terrains du Champ à loup font partie du projet d’aménagement de la Butte Pinson (de Groslay à Montmagny) qui est mené par l’Agence des Espaces Verts (AEV). Il y a environ 400 familles installées sur ces terrains et qui doivent être relogée avant de pouvoir acquérir et exploiter les terres.

S. Charconnet : Actuellement, notre groupe Terre de liens accompagne une personne en reconversion
professionnelle qui s’est formée au maraîchage…..
F. Jeffroy : Sophie, avec l’association Terre de Liens, vous essayez de racheter des terres pour
réinstaller des agriculteurs, comment ça marche ?
S. Charconnet : le but de Terre de Liens consiste à protéger des terres agricoles par l’achat de foncier et/ou par l’accompagnement de porteurs de projets. Cette protection est vitale car les terres agricoles disparaissent en France au rythme de l’équivalent de la surface d’un département tous les 7 ans.

F. Jeffroy : tu m’as parlé d’un projet à Domont, peux-tu nous expliquer ce qu’il recouvre ?
S. Charconnet : L’association d’Ile de France est organisée en groupes locaux, il y en a un à Domont. Actuellement, notre groupe accompagne une personne en reconversion professionnelle qui s’est formée au maraîchage. Nous travaillons avec elle un projet d’installation sur Domont. En général Terre de liens intervient sur des surfaces à partir de 3 ha, voire, 5 ha quand il s’agit de culture maraîchère. L’association privilégie les projets avec rotations des cultures.

Le projet Carma est un projet alternatif visant à préserver les 360 ha de terres agricoles
du triangle de Gonesse…

F. Jeffroy : Luc, à travers le projet Carma, tu cherches à dessiner un avenir agricole pour les terres du triangle de Gonesse. Quel est le projet, quels en sont les enjeux ?
L. Dupont : vous avez entendu parler du projet Europacity qui vise à implanter un centre commercial, un centre d'affaires, un complexe hôtelier, des pistes de ski et que sais-je encore le Triangle de Gonesse. Je suis impliqué dans le projet Carma qui est un projet alternatif visant à préserver les 360 ha de terres agricoles du triangle de Gonesse. Europacity est une aberration car ce projet ferait disparaitre des terres situées à 20 km du coeur de Paris, qui nourrissent la région parisienne depuis 2500 ans ! Comment ne pas vouloir les garder ? C’est également un non-sens car les grands centres commerciaux périclitent depuis une dizaine d’années et le projet est entouré de centres commerciaux existants. Nous n’avons pas besoin de cet équipement pharaonique à l’heure où les achats par internet se sont énormément développés. Europacity serait située à proximité d’Aéroville et qui a du mal à trouver une rentabilité. Il y a une grande surface Auchan à Aéroville, et Auchan est aussi financeur et porteur du projet Europacity. Nous sommes plusieurs à penser que le projet Europacity cache une démarche spéculative sur le foncier agricole de cette zone. L’achat en tant que terre agricole se ferait à environ 5 € le m². Les terres seront rendues constructibles via une modification du PLU par la mairie de Gonesse, et de fait la valeur du m2 pourrait passer à 300 € le m2 (valeur moyenne pour une terre constructible en France)… Les 80ha du projet deviennent rentables même si le ne marche pas … faites les multiplications, cela donne le vertige.

F. Jeffroy : tu mets en lien le projet agricole en Ile de France avec la question de l’approvisionnement alimentaire. Tu m’as indiqué que des grandes métropoles européennes avaient commencé à lancer des projets ?
L. Dupont : Avec ou sans Europacity (à 15km de Paris), il faut ménager des terres agricoles en Ile de France. Le Grand Paris nourrit sa population avec 91% de produits venant de plusieurs centaines de km. L'autonomie alimentaire de l’Ile de France n'est plus que de 3 à 4 jours. Il faudrait redessiner une ceinture maraichère autour de Paris, comme au 19e siècle. Le projet CARMA redessine donc une ceinture alimentaire notamment au nord de Paris. C’est dans cette perspective globale que Groslay devrait réaménager des parcelles agricoles, préserver des espaces non-construits, que ce soit en gardant des friches ou en créant des espaces verts. De grandes métropoles européennes se sont engagées sur cette voie et on réimplanter des terres agricoles (Milan, Barcelone, etc.).


2) Comment soutenir les femmes et les hommes qui produisent les fruits et légumes ?
Il me semble envisageable de réintroduire la culture de petits fruits rouges ….

F. Jeffroy : revenons à Groslay, Clotilde, lors du premier débat, les arboriculteurs ont affirmé que la replantation de vergers sur Groslay n’était plus possible. Quels sont les principaux freins ? Est-ce que d’autres cultures seraient envisageables ?
C. Rigault-Certain : l’installation de nouvelles parcelles en arboriculture sur Groslay est quasiment impossible. Sur certaines parcelles, il me semble envisageable de réintroduire la culture de petits fruits rouges (fraises framboises, groseilles, etc.) ou la culture de légumes. Mais pour le maraîchage il est nécessaire de disposer de surfaces de 3/4 ha pour pouvoir en vivre, sachant qu’en permaculture, 1 ha peut faire vivre 1 personne. Il y a cependant un inconvénient de taille à Groslay, c’est qu’il y a beaucoup de terre glaise, terre qui est peu fertile. C'est la raison pour laquelle les anciens de Groslay cultivaient la vigne, celle-ci se développant sur des terres mêmes pauvres. Les meilleures terres sont situées derrière l'église en remontant sur Montmorency et dans le quartier du Paradis, vers Montmagny. Elles sont plus irriguées (ruisseau) et légèrement plus sableuses, le terrain est propice au maraîchage. Une solution pourrait venir des collaborations avec l'Agence des Espaces Verts (AEV).

F. Jeffroy : Jean-Pierre, est-ce qu’il te semble envisageable de réinstaller des activités agricoles sur Groslay, notamment en lien avec l’action de l’AEV ?
J.-P. Taramarcaz : une solution pourrait venir de l'achat de ces terres par l'Agence des Espaces Verts (AEV). La mairie de Groslay a signé avec l’AEV une convention se rapportant aux terrains situés sur le coteau de Nézant. Il y a 17 ha sur le coteau de Nézant jusqu'au cimetière, mais un propriétaire (de 13 ha d'un seul tenant, anciennement les carrières Landry) fait pression sur le prix du terrain auprès de la mairie et de l’AEV. Du côté de la Butte Pinson, l’AEV poursuit son projet sur les communes de Villetaneuse, Pierrefitte, Montmagny et Groslay. Restent des solutions à trouver pour le relogement des gens du voyage.

S. Charconnet : je pense que les terres acquises sur Groslay par l’AEV peuvent accueillir des projets d’agriculture. Terre de Liens a déjà collaboré en ce sens avec l’AEV dans d’autres départements.
Le sentiment qui domine, c'est souvent l'isolement des arboriculteurs ...

F. Jeffroy : Clotilde, peux-tu nous dire quelles sont, selon toi, les principales difficultés auxquelles les arboriculteurs doivent faire face aujourd’hui dans leur travail ?
C. Rigault-Certain : l'arboriculture nécessite beaucoup de compétences très pointues. L’arboriculteur doit être un véritable homme-orchestre, il doit savoir tout faire : de la technique de la taille à l'aspect commercial (ventes directes), en passant par la gestion de la main-d’oeuvre (pour laquelle il faut avoir des compétences en ressources humaines et gestion de paye) et la mécanique. Il faut donc être partout et performant en tout … Le fait que les vergers soient situés à distance des exploitations est aussi une source de difficulté. Il y a une grosse perte de temps du fait des déplacements en tracteur de St Brice ou Ezanville jusqu’à Groslay. Il y a aussi une difficulté plus profonde. Le sentiment qui domine, c'est souvent l'isolement, les arboriculteurs ne sont plus que 5 à Groslay. Malgré l’entraide qu’il peut y avoir entre eux, ils se sentent souvent seuls face à leurs problèmes. La question de l’avenir, de la transmission des exploitations est aussi présente dans les esprits. Il y a enfin la dimension financière car les productions spécialisées (maraîchage, arboriculture …) ne reçoivent aucune aide de l’Europe (PAC), contrairement aux céréaliers. Toutefois, en vente directe, le prix correspond au coût réel du produit, donc les producteurs gagnent mieux leur vie qu’en passant par la grande distribution.

F. Jeffroy : Que pouvons-nous imaginer pour soutenir l’activité des arboriculteurs ?
Pêle-mêle, les participants au débat formulent les pistes de réflexion suivantes :
- mutualiser les ressources entre producteurs : mutualisation d’outils, de compétences, mutualisation de la distribution,
- améliorer la recherche de saisonniers pour la cueillette : le ramassage des pommes et des poires demande beaucoup d’endurance, la cueillette des fruits rouges est un peu plus facile et surtout dure moins longtemps,
- mettre en place des appels d'offres permettant d’acheter des fruits et légumes produits localement pour la restauration scolaire de la ville de Groslay. A noter, par exemple, que Pierre Rigault fournit des fruits au lycée d'Eaubonne.

S. Charconnet : Pour sa part, Terre de Liens cherche à mettre le citoyen au cœur de son système, à en faire un acteur véritable de l'action de préservation de terres agricoles. Nous pensons que le maintien de la production agricole exige de contrer l'achat des terres agricoles par les promoteurs immobiliers et de sensibiliser et accompagner ceux qui veulent revenir à la terre sans savoir comment faire. Il y a déjà de nombreux projets qui ont vu le jour. Notre réseau national a désormais 3 antennes dans le Val d’Oise (Vexin, Parisis, Domont).

3) Comment développer des modes de distribution et de consommation qui
soutiennent les agriculteurs ?
F. Jeffroy : Rémy, avant de nous expliquer comment une AMAP ou une épicerie coopérative peuvent soutenir l’activité sur des petites exploitations, explique nous comment fonctionne ces structures ?
R. Prat : depuis 3 ans nous avons créé une épicerie coopérative dans un local de 80m2 qui était vide en pied d’immeuble HLM. Pour être indépendant nous en payons le loyer soit 20 € par famille et par an. Chaque coopérateur verse aussi une somme d’avance sur sa consommation pour créer la trésorerie. Nous achetons les produits au prix de gros et revendons au même prix, sans faire de bénéfice. Il n’y a pas de salarié à rémunérer qui obligerait à augmenter les prix. Cela nous permet de vendre des produits de bonne qualité au même prix que les produits classiques des supermarchés. Au fur et à mesure nous avons diversifié notre offre et avons plus de 900 références en produits alimentaire mais aussi en produits d’entretien et d’hygiène. Nous nous approvisionnons auprès de petits grossistes bio toutes les 3 semaines et de manière plus ponctuelle auprès de nombreux producteurs découverts par les uns et les autres. L’épicerie est ouverte 4 fois 3 heures par semaine par les coopérateurs. Il n’y a pas de planning préétabli ; les gens s’inscrivent sur un cahier et prennent une des clés disponibles. C'est peu contraignant, si chaque famille assure une permanence tous les 2 ou 3 mois ça tourne avec si possible 3 personnes à chaque fois. Parfois la boutique reste fermée faute d’inscrit; c’est contrariant mais du coup le cahier des permanences se remplit mieux ensuite ! Il n’y a pas de responsable qui assure l’ouverture ; tout le monde est appelé à participer. Il n'y a pas de vente au public car cela imposerait le respect de trop de normes sanitaires. Le succès est au rendez-vous, un second local a été ouvert il y a un an et demi dans un autre quartier, avec pour l’instant 150 familles. Je fais également partie de l’AMAP Court Circuit de Saint-Denis qui propose depuis 7 ans des contrats avec les producteurs sur 6 mois à un prix fixé par eux. 250 paniers de 5 légumes à 10,50 euros sont fournis par 2 maraîchers mais il y a aussi des contrats pour du pain, des oeufs chaque semaine ; des fromages de chèvre et des produits laitiers de vache tous les 15 jours ; champignons, poissons et poulet tous les mois. Il y aussi des commandes ponctuelles de viande, fruits, fromage…). Il y a 2 jours de distribution par semaine et pas de stocks. Les paniers qui ne sont pas réclamés sont récupérés le lendemain matin par l’association Femmes Solidaires qui répartit les denrées ; s’il y en a de trop elles donnent aussi au foyer logement de personnes âgées. Cette Amap est une initiative de l'Université Populaire St Denis et d’un groupe libertaire mais le public est très très divers. Le local en dehors des soirées de distribution est disponible et est devenu un lieu de vie, d'échanges, d’animations proposées par les membres. Les épiceries en ont été le prolongement.

F. Jeffroy : Célia, peux-tu nous présenter le projet Bio Social Club que tu développes à Groslay ?
C. Jousserand : Nous portons ce projet à plusieurs. Notre objectif est de créer une coopérative d'intérêt collectif, en proposant une épicerie de vrac, un restaurant/café végétarien et un espace d’apprentissage. Ce lieu participerait à cet élan général : proposer des produits de proximité pour se passer de la grande distribution, avoir une démarche qui tend vers le zéro déchet et fournir un lieu d’échanges et de convivialité. Il ne manque plus que le local ...

Conclusion : En un mot, ou une phrase, que faire ?

C. Rigault-Certain : la priorité, pour les arboriculteurs, c'est de se faire connaître et reconnaître. Communiquer sur nos produits, sur nos activités. On pourrait inciter les consommateurs à venir cueillir. Encourager les écoles à visiter les vergers …. Je pense par exemple à l'initiative du réseau la Ruche qui dit oui, qui a été un relais pour organiser une journée au verger.

R. Prat : Nos 2 épiceries Dionycoop de Saint-Denis ont organisé une rencontre d’une dizaine de coopératives alimentaires autogérées en septembre 2017 pour échanger sur nos manières de faire. Nous proposons notre fonctionnement léger qui peut servir de modèle pour ouvrir d’autres épiceries. Nous avons édité un petit livre qui raconte en détail les différents aspects du fonctionnement, le plus léger possible et sans informatique. Il faut juste trouver des gens prêts à s’impliquer. Une fois le local obtenu, en 2 mois, on peut ouvrir une épicerie autogérée. Cette organisation de la vente change radicalement la relation avec les producteurs. Ces petites épiceries leur procurent des débouchés car ils ne sont pas assez gros pour répondre aux demandes de la grande distribution ou des chaines de magasins bios. Des emplois sont pérennisés ou créés à la production et les prix sont très attractifs dans la boutique. Le budget familial s’en porte beaucoup mieux avec les produits frais à l’amap et presque tous les autres produits à épicerie.

JP Taramarcaz : je pense que nous pouvons faire un effort de communication sur le PLU de la ville, le rendre plus accessible et compréhensible par les Groslaysiens. Nous pourrions également préserver les 30 ha de la commune encore non construits.

S. Charconnet : La solution réside en partie dans l’Éducation Populaire : que chacun apprenne à comprendre un PLU, une enquête publique... Le Val d'Oise a des traditions agricoles qu’il faut préserver afin de développer l'autonomie alimentaire de l’Ile de France.

L. Dupont : il me semble important d’établir une cartographie de Groslay (avec Google Earth, entre autres), pour rendre visibles les différentes zones : potagers privés, jardins d’agrément, friches agricoles, squares, forêts, zones occupées par les gens du voyage...

F. Jeffroy : je m’associe à la conclusion. Je veux affirmer la valeur du savoir-faire des arboriculteurs Groslaysiens qui constitue un véritable élément du patrimoine immatériel de notre ville. Il me semble que nous n’en avons pas collectivement suffisamment conscience. Il se trouve que j’assure depuis plusieurs années des cours dans le Master d’ergonomie de l’Université Paris 8. Je prépare un projet qui consiste à proposer aux arboriculteurs d’accueillir des étudiants en ergonomie qui viendront en 2018-2019 analyser le travail des arboriculteurs (sur la base d’enregistrements audio & vidéo) autour du geste de la taille.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire